Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 janvier 2024 5 05 /01 /janvier /2024 17:44
Adopté : " L'Union Populaire jusqu'à la victoire ! "

92,80% des Insoumis ont adopté la stratégie de « l’Union populaire jusqu’à la victoire »

Aux élections européennes 2024, faisons grandir l'Union Populaire

 

 

Le samedi 16 décembre, les participant·es à l’Assemblée représentative de la France insoumise[1] ont adopté la stratégie « L’Union populaire jusqu’à la victoire », ainsi que la feuille de route du mouvement pour 2024.
Ces deux textes ont ensuite été soumis à la votation de tou·tes les insoumis·es ayant rejoint notre mouvement avant le 16 décembre 2023, entre le 16 décembre et le 3 janvier.
Au total, 57 409 insoumis·es ont participé à cette votation.
- 92,80% ont adopté la stratégie de « l’Union populaire jusqu’à la victoire »
- 90,25% ont validé la feuille de route du mouvement pour 2024
Découvrez le texte stratégique de « l’Union populaire jusqu’à la victoire » ci-dessous.

 

 

Sources : La France insoumise | mis à jour le 06/03/2024

Le moment de l’histoire est celui d’une montée en tension des sociétés humaines. En combinant leurs effets, plusieurs données mondiales étendent leur impact sur la vie de chacun·e. Ainsi avec le dérèglement climatique, la recrudescence des conflits armés, l’extension sans fin du domaine de la marchandisation, la bascule dans les procédés numériques entremêlent leurs conséquences et réorganisent tout, toujours plus vite et toujours davantage.

 

Aucun sujet ne se traite séparément. Une cause commune les domine tous : le déploiement du mode de production capitaliste et productiviste irresponsable, animé par un objectif absurde d’accumulation sans limite de profits au bénéfice d’une petite minorité et au détriment d’une grande partie du peuple qui s’enfonce dans la pauvreté, et de la planète.

 

 

- Un monde en crise, des peuples en lutte

Le meilleur comme le pire peuvent résulter de ce contexte. Un nouvel élan de la civilisation humaine, ou son effondrement ? En toute hypothèse, la solution est dans le peuple et dans sa capacité à se mettre en mouvement. Encore faut-il qu’il se donne les moyens d’agir. Il le tente de multiples manières sous toutes les latitudes. Nous sommes totalement engagé·es en son sein dans ses efforts d’insoumission. Pour y répondre, nous proposons un programme, l’Avenir en commun, une stratégie, l’union populaire pour la Révolution citoyenne, avec un mouvement évolutif et tourné vers l’action, la France insoumise, et une source de décryptage intellectuel et de formation, l’Institut La Boétie.

 

En épousant à chaque étape les causes du peuple, nous avons contribué à de magnifiques avancées. En Europe, elles confèrent à l’action du peuple de France une singularité d’audace et de combativité. La percée électorale aux élections présidentielles et législatives de l’an passé en sont un signal. Il a été amplifié par la mobilisation sociale la plus importante depuis cinquante ans dans la lutte pour le droit à la retraite à 60 ans.

 

Nous connaissons nos forces, les moyens par lesquels nous les avons acquises et par lesquels nous continuons à avancer. Mais nous connaissons aussi nos difficultés et nos faiblesses. Nombre se règlent sur le terrain par la pratique, l’initiative et la créativité de l’action militante. Le chemin se construit par nos pas.

 

Il se construit à l’heure où les idées d’extrême droite et fascistes progressent partout dans le monde et gangrènent une grande partie de l’arc politique et des médias, tenus par une poignée de milliardaires. L’idée du “ redressement moral ” de la France, la lutte “ du bien contre le mal ” chère à la théorie du choc des civilisations, le racisme, la stigmatisation des étranger·es ou d’un “ ennemi de l’intérieur ” comme boucs émissaires des difficultés sociales, la montée en puissance des politiques sécuritaires et de répression comme réponse à toute revendication légitime ne sont plus aujourd’hui l’apanage de la seule extrême droite politique.

 

La droite dans son ensemble et le président de la République lui-même souscrivent à ces idées, jusqu’à les traduire dans leurs propositions comme l’ont montré les débats sur la Loi Immigration et à réprimer toute contestation sociale ou écologique. Leur objectif est de diviser le peuple pour maintenir ce système à bout de souffle, qui engendre toujours plus de misère, de pauvreté et la destruction de nos écosystèmes, et contre lequel les contestations sociales légitimes s’unissent et se multiplient. Cette banalisation des idées d’extrême droite se traduit dans les rues où des groupuscules violents profitent d’un climat d’impunité pour défiler aux cris de slogans racistes ou pour intimider une partie de la population

 

Dans ce contexte :

  • il est de notre responsabilité d’opposer à ces logiques de division le regroupement du peuple autour de causes communes en rupture avec l’ordre établi, comme l’a fait en son temps le Front populaire et le mouvement ouvrier face à la menace des ligues fascistes.
  • C’est notre rôle de démonter l’arnaque sociale du Rassemblement national, en particulier dans les secteurs géographiques où l’extrême droite a réussi à renforcer son implantation.
  • Et c’est notre devoir de nous doter des moyens d’auto-défense nécessaires pour garantir notre capacité à défendre nos idées dans la société.

 

Il n’y a aucune fatalité ! Là encore, la victoire du Front populaire sur la base d’un grand programme social en 1936 et en pleine montée des idées d’extrême droite montre que le succès est possible. Le pays balance entre la mobilisation collective et le repli sur soi. Tout est possible. Notre devoir est d’offrir une alternative au macronisme déclinant et à l’extrême droite menaçante. Nous refusons la survie d’un pouvoir qui ne tient qu’à travers des 49.3 à répétition et nous voulons bâtir une 6ème République écologique et sociale.

 

Dans cette optique, notre tactique d’action est confrontée à l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui la NUPES. L’Union populaire, c’est-à-dire le rassemblement du peuple autour de causes communes et d’une politique de rupture avec le système, reste notre stratégie. Nous devons donc nous demander simplement et concrètement comment la faire vivre dans de nouvelles conditions plus durables, en lien avec les grandes forces sociales du pays et celles et ceux qui résistent politiquement à la normalisation de toute vie par un système injuste et prédateur de notre planète.

 

Nous devons faire l’union populaire dans des formes comprises du grand nombre pour qui la crédibilité commence par la clarté des méthodes, des objectifs et le respect mutuel dans l’action. Sans rancune ni procès contre celles et ceux qui portent la responsabilité de cette impasse, en conservant toujours la possibilité de les faire changer d’avis, nous nous en tiendrons à un choix positif : comment continuer à travailler à l’Union populaire ? Ce texte se concentre sur cette seule question et propose une façon d’agir concrète.

 

 

- Les insoumises et insoumis, premiers artisans et partisans de la Nupes

En mai 2022, après le résultat de 22 % de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle, nous avons constitué la NUPES[2]. Sa mise en place fut un événement inédit. Pour la première fois de l’histoire, nous avons présenté, sur toutes les circonscriptions de l’hexagone, des candidatures communes porteuses d’un programme de gouvernement[4], en rupture avec le capitalisme et le productivisme.

 

Il s’en est fallu de peu, en voix comme en pourcentage, pour qu’elle obtienne l’élection d’une majorité de député·es à l’Assemblée nationale. La NUPES est arrivée en tête du premier tour et elle a multiplié par trois le nombre de député·es de l’opposition de gauche. Elle a donné l’espoir d’une véritable alternative pour des millions de citoyennes et de citoyens face au macronisme et à la menace de l’extrême droite.

 

Depuis lors, les insoumis·es se sont mobilisé·es, nationalement comme localement, partout en France pour travailler au renforcement de la NUPES à travers des initiatives communes, car c’est bien l’action de terrain qui convainc et fédère.

  • Nous avons ainsi proposé d’initier partout des “ assemblées de la NUPES ” à l’échelle des communes ou des circonscriptions permettant de réunir toutes celles et tous ceux qui voulaient défendre son programme.
  • Nous avons souhaité faire vivre et grandir le Parlement de la NUPES[3], mis en place pendant les élections législatives afin de réunir des figures syndicales et associatives, les intellectuel·les et les personnalités du monde de l’art et de la culture.
  • Nous nous sommes battu·es pour construire la NUPES aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat en proposant un groupe commun à l’Assemblée nationale et des listes communes pour les élections sénatoriales.
  • Nous avons milité et soutenu toutes les initiatives pour former une liste commune aux élections européennes dont celles des jeunes de la NUPES et avons proposé aux écologistes de conduire cette liste de rassemblement.
  • Nous avons souhaité préparer ensemble les élections municipales.

Nous nous sommes mobilisé·es sans cesse pour renforcer la NUPES, plus court chemin pour permettre la prise du pouvoir en 2027 et gouverner pour l’intérêt général.

 

 

- Les blocages de la " gauche d'avant "

Malheureusement, malgré tous nos efforts et les attentes populaires, notre volonté d’approfondir la NUPES s’est heurtée aux blocages des appareils de la « gauche d’avant ». Ainsi, nos différentes propositions ont toutes, sans exception, été refusées par une partie ou par l’ensemble des autres forces de la NUPES. Et à aucun moment, il ne nous a été fait de contre-propositions permettant de dépasser des situations de blocage. Si certains de nos partenaires ont pu y contribuer, c’est bien souvent la persévérance des insoumis·es qui a permis que des assemblées locales se réunissent ou que des actions conjointes se fassent sur le terrain.

 

De fait, face à cette obstruction organisée, notre rassemblement inédit s’est vite réduit à une simple structure de coordination entre groupes parlementaires à l’Assemblée nationale. Et les derniers mois ont révélé les tentations de certains de nos partenaires à rompre avec le programme de la NUPES pour revenir aux logiques de la gauche d’avant, qui soutient et se compromet, qui s’aligne avec les théories du choc des civilisations en excluant la France insoumise.

 

Nous connaissons la suite :

  • début octobre, le PCF, après maintes déclarations hostiles, a pris la décision de quitter la NUPES ;
  • le PS a suspendu sa participation aux réunions de l’intergroupe à l’Assemblée nationale avant d’effacer toute référence à notre alliance dans le nom de son groupe parlementaire ;
  • quant à EELV, sa direction persiste à empêcher toute liste commune de la NUPES aux élections européennes et a refusé la poursuite du Parlement de la NUPES.

 

 

-  L’Union Populaire jusqu'à la victoire !
Mais les raisons qui ont conduit à vouloir la NUPES demeurent. Tout comme les espoirs qu’elle a suscités. Ils ne peuvent pas être effacés par le refus de telle ou telle formation politique de poursuivre sur le chemin de l’unité. Tout comme il ne peut pas être question de remettre en cause des engagements programmatiques pris devant les électrices et les électeurs.

 

Peut-on poursuivre et renforcer la démarche ? Oui, en élargissant l’adhésion populaire autour du programme de la NUPES, en combattant sans relâche l’abstention, la résignation et le repli sur soi. C’est à l’ensemble des groupes politiques, personnalités, militant·es engagé·es dans une organisation politique, syndicalistes, militant·es du monde associatif, citoyen·nes que nous nous adressons.

 

Nous leur disons que le refus objecté par des appareils politiques de la gauche d’avant ne doit pas empêcher de nous réunir pour préparer ensemble la grande confrontation démocratique de 2027. Et pour cela nous devons faire de chaque rendez-vous électoral un rendez-vous d’adhésion avec notre programme de rupture et notre méthode d’implication populaire à la base. Nous leur proposons :

  • de nous retrouver ensemble dans un nouvel espace, inspiré du Parlement de l’Union populaire, pour faire vivre notre démarche de rassemblement ;
  • de nous regrouper partout en France dans des assemblées de l’Union populaire ouvertes à toutes celles et tous ceux qui se retrouvent dans le programme ;
  • de poursuivre le travail programmatique des jeunes de la NUPES[5], à partir du programme partagé déjà signé entre les partis en 2022, pour porter un programme commun pour les élections européennes de juin 2024 ;
  • de bâtir ensemble une liste commune de candidat·es pour porter ce programme dans cette élection ;
  • d’œuvrer ensemble dans le cadre de cette Union populaire à la préparation de tous les scrutins suivants, à commencer par les élections municipales et consulaires de 2026 ;
  • de réunir une Convention de l’Union populaire le week-end des 16 et 17 mars prochain afin de lancer ensemble cette dynamique.

 

 

-  Aux élections européennes, faisons grandir l'Union Populaire !
Les élections européennes de juin 2024 auraient dû être l’occasion d’une liste commune de la NUPES. C’était là se donner les meilleures chances de battre les macronistes et l’extrême droite, de prolonger l’espoir de notre victoire au premier tour des législatives et de préparer la prise du pouvoir en 2027. Mais cette possibilité a été refusée par les appareils écologistes, communistes et socialistes, malgré le travail programmatique et la démarche formidable engagée par les jeunes de la NUPES. Cela ne doit pas nous arrêter. L’union peut se faire sans ceux qui la divisent. C’est notre devoir de l’entreprendre.

 

C’est pourquoi, en cohérence avec notre démarche de construction de l’Union populaire, nous porterons une liste ouverte, porteuse du programme commun de la NUPES[4]. Manon Aubry, co-présidente du groupe de la Gauche au Parlement européen, sera en charge de la coordination du travail préparatoire à ces élections, en lien avec Nathalie Oziol et Paul Vannier, pour l’espace Batailles électorales, et avec Clémence Guetté et Hadrien Clouet, pour l’espace Bataille des idées.

 


-  Défendre le programme commun de la Nupes
Pendant cette campagne, nous défendrons les propositions du programme commun de la NUPES[4], comprenant notamment un chapitre entier sur les questions européennes, autour duquel ont été élu·es 151 député·es à l’Assemblée nationale. Nous nous appuierons également sur le travail programmatique des jeunes de la NUPES[5], sur le travail des groupes thématiques de la France insoumise et sur les propositions des syndicalistes, activistes, militant·es associatifs, intellectuel·les ou artistes qui s’associeront à cette démarche.

 

Ce programme présentera les combats concrets que mèneront les eurodéputé·es de l’Union populaire, dans la continuité du travail effectué depuis 2019 par la délégation insoumise au Parlement européen : pour la conquête de nouveaux droits écologiques, féministes, sociaux et démocratiques, face à l’arc réactionnaire qui se constitue à Bruxelles et à Strasbourg alliant une partie des néolibéraux jusqu’à l’extrême droite.

Face à l’explosion des prix, à la maltraitance sociale qui frappe les peuples en Europe, à la multiplication des catastrophes climatiques, notre programme porte une rupture avec le cours actuel néolibéral, productiviste et anti-démocratique de l’Union européenne. Nous devons rompre avec les dogmes néolibéraux d’austérité, de libre-échange et de marché : cela devra nécessairement passer par des rapports de force et par la désobéissance pour revoir les traités européens en profondeur.

 

Fidèles à notre doctrine du non-alignement, nous serons également les défenseur·es de la paix, du respect du droit international et de la justice pénale internationale en toute circonstance contre les invasions, les crimes de guerre et le crime organisé au niveau mondial. C’est pourquoi nous porterons l’exigence de cessez-le-feu immédiat et permanent en Palestine et la demande de sanctions contre le gouvernement israélien responsable des massacres à Gazaet des exactions des colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est.

 

-  Une liste à l'image de l'Union Populaire
Notre liste sera bien évidemment à l’image de l’Union populaire, en regroupant des organisations politiques, des syndicalistes, des militant·es des associations, des intellectuel·es et des figures engagées dans les combats sociaux, écologistes, féministes, antiracistes ou altermondialistes. Elle sera à l’image du peuple dans toute sa diversité.

 

Elle s’appuiera sur le travail et l’expérience de la délégation des eurodéputé·es insoumis·es et sera ouverte à toutes celles et ceux qui souhaitent une rupture avec les politiques européennes actuelles pour répondre aux défis du chaos climatique, à l’explosion des inégalités et à l’instabilité géopolitique que notre continent doit d’urgence relever. Elle le fera en lien avec nos allié·es à travers toute l’Union européenne, rassemblé·es au sein de la coalition « Maintenant le Peuple » que nous voulons élargir à de nouveaux partenaires européens.

 

En pratique, et dès le mois de janvier 2024, un appel à candidatures sera adressé aux insoumis·es souhaitant s’engager comme candidat·e dans notre campagne européenne. Les candidatures reçues seront transmises aux boucles départementales du département de résidence de ces candidat·es, chargées de les examiner entre le 17 et le 25 janvier 2024 en vue de transmettre un avis au Comité électoral de la France insoumise.

 

Parallèlement, nous travaillerons à l’ouverture de notre liste à des candidatures d’Union populaire hors des rangs actuels de la France insoumise. Au cours du mois de février, le Comité électoral de la France insoumise élaborera et ordonnera notre liste de 83 candidat·es puis proposera cette liste à l’approbation des insoumis·es par un vote en ligne. Le programme et la liste seront présentés en mars 2024 lors de la Convention de l’Union populaire.

 

 

🔴 A votre disposition en téléchargement : La Stratégie : « L’union populaire jusqu’à la victoire » !

Partager cet article
Repost0
7 décembre 2023 4 07 /12 /décembre /2023 15:32
Union populaire ou choc des civilisations ?

Ici, modestement, je veux donc essayer de simplifier le diagnostic et tenter de dire où nous en sommes et où il nous faut aller.

On arrête quand de sacrifier les intérêts populaires sur celui des petits partis ? Car ce n’est pas en partant des anciens partis et de leur coalition que l’on parviendra à construire une majorité populaire sur un projet alternatif pour notre société[0].

 

 

Je reprends du service derrière le clavier.

Je crois le moment politique décisif. Dangereux. Il exige de penser et de parler clair. Il revêt un caractère d’urgence qui nécessite d’aller à l’essentiel. Je vois ceux qui sont aux responsabilités nous mener droit dans le mur. Mais j’observe affligé la plupart de ceux qui prétendent aux responsabilités. Ils ne sont pas à la hauteur. Le niveau des débats politiques s’est considérablement affaibli.

Les uns poussent le pays à l’affrontement en son propre sein.

Les autres sont prêts à tout ou presque pour obtenir leur petite part de lumière, construire leur prétendu « récit » et mettre à tout prix en avant leur « singularité », melons gonflants. Mais quand on les écoute, qu’entend-on ? De l’eau tiède. On s’ennuie, pour rester poli. Une actualité chasse l’autre. La tonalité générale est celle de l’égout éditorial. Et dans ce foisonnement, tout est confus.

Modestement, je veux donc essayer de simplifier le diagnostic et tenter de dire où nous en sommes et où il nous faut aller. 

 

 

Sources : Adrien Quattenens | mis à jour le 01/01/2024

- On souffre

De quand date le dernier porte-à-porte de ceux qui parlent au nom des « gens » à la télé ? Les gens morflent sévère. C’est l’enfer. Ils vivent dans des taudis. Dans des appartements pourris. Le chauffage ne marche pas. Pourtant il leur est facturé. Cher. Il faut laisser les manteaux à l’intérieur. Parfois, il n’y a plus d’eau chaude. Il faut pourtant se laver. Il y a du moisi sur les plafonds et les murs. Les salles de bain sont irrespirables. Les enfants sont malades. Il y a des nuisibles dans les parties communes. Il n’y a pas assez de place pour tout le monde. Pas d’intimité. On partage les chambres. Souvent, des membres de la famille dorment aussi dans le salon. L’ascenseur est en panne. Le bailleur social ne répond pas. On ne vit pas. On survit à peine.

 

Pourtant, on fait de son mieux. Mais on a l’impression que tout le monde s’en fout. Que quand on est pauvre, on ne compte pas. Les emplois sont précaires. Les salaires sont trop bas. Les minima sociaux aussi. Les prix sont trop hauts. On saute des repas. On mange mal. La santé se dégrade. Se soigner coûte trop cher. Et il faut attendre longtemps. D’ailleurs, tout coûte trop cher. C’est la débrouille. Le système D. Il ne reste plus que l’entraide. La télé pour seul loisir. On se sent abandonnés. On est fatigués. La vie est dure. Quel en est le sens ? Ce n’est pas drôle. Il faut se battre. Pour tout. Tout le temps. Et quand on reprend un peu de souffle, les factures arrivent qui viennent vous scier les deux jambes. On a plein de volonté mais on ne vous donne pas votre chance. On exige de vous de l’expérience que personne ne vous offre. Dehors, juste en faisant le guet, des gamins touchent en une journée ce que leurs parents en un mois ne percevront jamais[1]. C’est la lutte pour que les enfants ne succombent pas aux sirènes du trafic.

 

Toute cette souffrance n’est pas vue à la télé. On n’y montre pas les causes. On exploite juste les conséquences. Au mépris des gens. Le tableau est trop sombre pour être vrai ? Allez-donc voir vous-mêmes ! Certes, ce n’est pas encore généralisé. Mais on en prend le chemin. On tombe dans la pauvreté aussi vite qu’on glisse sur un toboggan. Et une fois qu’on est en bas, bon courage pour remonter ! Le quart-monde gagne du terrain. Au milieu il y a, bien sûr, tous ceux qui n’en sont pas encore là. Pour eux, ce n’est pas simple mais ça va encore. Ça tient. Les salaires permettent de « s’en sortir ». « S’en sortir », ce n’est pas mener la grande vie, mais ça tient à flot. Cependant, la peur de la glissade est réelle. L’équilibre est fragile. Tout ou presque est précaire. On est en France. Sixième puissance économique du monde.

 

 

- Ils se gavent
À quelques pas de là, il y a une autre France. Ceux qui la composent méconnaissent les premiers. Et inversement.


Pour elle, tout va bien. Elle a le sou, largement. Le pouvoir actuel lui en a redonné plus qu’elle ne lui en réclamait. Rémunérations indécentes. Baisses massives des impôts. Explosion des dividendes. Elle, elle s’en fout que les services publics se cassent la gueule. Les services publics sont le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Elle, du patrimoine, elle en a. Elle peut tout se payer. Même la santé ! Tout s’achète ! C’est la fête ! Cette petite île de prospérité flotte au milieu d’un océan de malheur. Elle s’en fout. Ils ne tiendraient pas trois jours dans les conditions de vie décrites au paragraphes précédent. Mais ça ne les concerne pas. Ils ne savent même pas que ça existe. Si le monde court à sa perte et que la planète brûle, s’il n’y en a plus pour longtemps, autant profiter un max tant qu’il est encore temps !

 

Osez les critiquer ! On dira de vous que « vous n’aimez pas les riches ». Là n’est pourtant pas la question. Nous refusons la misère. Or, elle ne tombe pas du ciel. C’est parce que certains sont trop riches que les autres sont trop pauvres. On dira qu’ils ont « pris des risques » ! Parce que les autres n’en prennent pas ? On dira qu’ils « créent la richesse », alors qu’ils se l’accaparent ! Parce que les autres n’en créent pas ? Ceux qui ont l’argent ont le pouvoir. Les politiques publiques sont faites par et pour eux. Tous les autres sont de la main d’oeuvre, des statistiques ou un encombrement.

 

🔴 Elle est là, la fracture française :

  • Entre ceux qui galèrent ou qui ont peur de galérer 1 jour, & ceux qui se gavent ;
  • Entre ceux qui subissent & ceux qui dirigent ;
  • Entre le peuple & l’oligarchie.

Elle est là, la fracture française. Elle est là. Elle n’est pas ailleurs, même s’ils veulent le faire croire.  

 

 

- Faîtes qu’ils se battent entre eux !
La principale préoccupation des Français et de loin, c’est évidemment le « pouvoir d’achat ». Ce sont « les revenus ». C’est en fait la possibilité de vivre, tout simplement. De se loger, se nourrir, se soigner, de s’éduquer et d’accéder à la culture et aux loisirs.

  • Imaginez que ceux qui en sont privés et ceux qui ont peur d’en être privés un jour soient unis, rassemblés !
  • Imaginez qu’ils acquièrent la pleine conscience qu’aux origines de leurs malheurs, il y a ceux qui se gavent et qui jouent avec des milliards !
  • Pire, imaginez qu’ils sortent ensemble dans la rue !
  • Mieux : qu’ils aillent tous au bureau de vote avec l’envie furieuse d’en découdre, de renverser la table, sans faire dans la petite dentelle mollassonne !

L’Union populaire face à l’oligarchie : le cauchemar des puissants. Il leur faut donc imposer un autre clivage. Et la machine tourne à plein régime pour atteindre cet objectif.


Nommons le clivage qu’ils veulent imposer sans tourner autour du pot. Celui dont ils espèrent qu’il structurera durablement la vie politique. C’est un clivage civilisationnel. Plutôt que le peuple face à l’oligarchie, ils veulent que le peuple se sépare en son propre sein.


🔴 Les premiers séparatistes, ce sont les racistes et leurs alliés. Allumez la télé ! C’est gros comme un nez au milieu de la figure.

  • Le problème n’est pas le financier. Le problème, c’est l’immigré !
  • Le clivage n’est pas entre le peuple et l’oligarchie. Le clivage, une fois les détails élagués, c’est tous contre les arabes !

Pour le dire autrement : quoi de mieux, pour empêcher le peuple de s’unir autour de ses revendications sociales communes, que de l’inviter à se diviser à propos de ses origines, de sa couleur de peau ou de son appartenance réelle ou supposée à telle ou telle autre religion

 

 

- Ils sont en avance
Soyons lucides : dans la course de vitesse pour imposer l’un de ces deux clivages (civilisationnel ou social), les partisans du clivage civilisationnel ont une longueur d’avance.  Large. Cette extrême-droitisation de la France, comme elle s’opère presque partout en Europe, est d’autant plus permise que les puissants ont fait leurs calculs : s’ils ne partagent pas nécessairement ses vues identitaires, ils ont bien scruté les programmes.


🔴 Ils savent que l’accession au pouvoir de l’extrême-droite ne contraindra pas leurs intérêts.

  • En effet, l’extrême-droite ne prévoit pas de partager les richesses.
  • Elle ne prévoit pas d’augmenter les salaires ni les minima sociaux.
  • Elle ne prévoit pas d’augmenter les impôts des plus riches.
  • Elle ne prévoit pas de réparer nos services publics.
  • Elle ne prévoit pas d’engager la planification écologique.
  • Elle ne prévoit pas de rompre avec le capitalisme financiarisé[2].

Les capitalistes n’ont rien à craindre de l’accession au pouvoir de l’extrême-droite. Face à l’impasse libérale incarnée par un macronisme finissant, ils préfèreront l’extrême-droite à la gauche de rupture, c’est évident.

 

Rappelons qu’en France, l’essentiel des médias sont tenus par neuf milliardaires[3]. Des milliardaires qui investissent dans les médias même quand ces investissements leur font perdre de l’argent. S’ils n’investissent pas pour le gain à court-terme, quels intérêts servent-ils donc ? Il suffit de constater la nature du discours économique dominant dans les médias. Et, dans un même mouvement, de constater l’extrême-droitisation des esprits. Un pilonnage incessant. C’est ainsi qu’un Bolloré qui a exploité un port en Afrique pendant des années, et dont l’action économique a contribué aux mouvements contraints de population, finance une chaine de télé qui popularise les thèses de l’extrême-droite ! Sa récente parodie, qui a connu un certain succès en ligne, est si peu éloignée de la réalité. Mais cette avancée de l’extrême-droite est aussi et surtout rendue possible par celles et ceux qui participent à sa banalisation tout en diabolisant les partisans de l’union populaire.

 

🔴 De même, les fossoyeurs de la NUPES et partisans d’un retour à la gauche d’avant, par lâcheté, par opportunisme ou les deux, sont devenus des boulets plutôt que des alliés dans la lutte jusqu’au bout qui est désormais engagée

 

 

- Très Proche-Orient
Le traitement politique et médiatique en France de la guerre au Proche-Orient est révélateur de la recomposition qui est à l’œuvre. Pire, nos adversaires s’en servent comme d’un alibi.


La dernière fois que je me suis installé derrière mon clavier pour vous écrire, c’était le 11 octobre. Depuis cette date, il y a eu environ 14 000 morts de plus à Gaza[4]. Pour l’essentiel des civils. Pour plus de la moitié, des femmes et des enfants. 15 000 morts. Dont 62 journalistes et 101 membres du personnel de l’ONU tués. Plus d’1,7 million de Palestiniens déplacés. Au moins 67 700 bâtiments détruits. Plus de 206 écoles détruites ou endommagées. Plus de 20 hôpitaux rendus hors service par les bombardements. Israël a largué 40 000 tonnes d’explosifs depuis le 7 octobre. Ces chiffres sont tellement énormes qu’on peine à imaginer ce que cela signifie.


A Gaza, les bombes pleuvent de manière incessante. L’électricité et l’eau sont coupées. C’est le blocus généralisé. Les femmes, les hommes, les enfants y sont traités en « animaux humains » comme le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, en formait le souhait[5]. En vérité, on ne supporterait pas davantage que des animaux soient traités de la sorte. C’est le même ministre israélien de la Défense auquel le ministre français des armées, Sébastien Lecornu, est allé rendre une petite visite amicale et s’y est félicité de partager avec lui « les valeurs humanistes ». En Cisjordanie, les colons israéliens poursuivent leurs raids jusqu’au cœur des villes palestiniennes.


Le droit international humanitaire n’existe plus. Ces 15 000 morts[4bis] et ce traitement inhumain réservé aux Gazaouis sont la réponse du gouvernement d’extrême-droite Israélien aux crimes de guerre commis par le Hamas le 7 octobre. Cet acte de terreur avait fait 1200 morts et 240 personnes enlevées. 

 

 

- Interdit de penser 
Face à l’effroi suscité par les actes barbares du 7 octobre contre des civils israéliens, la propagande s’est immédiatement mise en marche pour imposer sa grille de lecture et permettre, en réponse, un massacre encore bien plus important à Gaza. Elle tient en peu de mots : Hamas = terroristes = Daech = le mal = nécessaire guerre au terrorisme. Et gare à quiconque refuserait d’avaler cette grille d’analyse ! Car, comme l’a déjà déclaré le revenant Manuel Valls : « Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. » Mais lui peut, avec d’autres, se dire tranquillement opposé au cessez-le-feu ! Dès lors, quiconque oserait replacer les actes effroyables du 7 octobre dans le contexte de guerre coloniale imposée aux Palestiniens depuis des décennies[6] serait immédiatement accusé de les « justifier ». Non, rien ne les justifie. Rien ne justifie l’assassinat de civils. Rien. Jamais.


🔴 Mais :

  • Sommes-nous pour autant interdits de dire la responsabilité du gouvernement israélien dans la situation ?
  • Sommes-nous obligés d’adhérer à la fumeuse doctrine de « guerre au terrorisme », le lot de massacres qu’elle permet et l’impasse politique dans laquelle elle mène inévitablement ?
  • Quiconque oserait mettre en cause le gouvernement d’extrême-droite de l’État d’Israël serait immédiatement accusé d’antisémitisme. Non, nous ne sommes pas des racistes. Nous ne sommes pas antisémites.
  • Quiconque serait mis en cause pour ses convictions religieuses nous trouverait à ses côtés.
  • Quiconque, quelle que soit sa religion.

On doit pouvoir critiquer l’action d’un État et de son gouvernement sans être accusé d’antisémitisme. Réfléchir, analyser, comprendre et discuter vous disqualifie d’office. 

 

 

- Le diable rouge
Première cible de ces accusations infamantes : Jean-Luc Mélenchon. Qu’importe qu’il ait été le premier responsable politique français à réagir et à condamner l’attaque du Hamas et à exprimer l’horreur et la compassion pour toutes les victimes civiles. Parce qu’il a été le premier à réclamer le cessez-le-feu et à réaffirmer que c’est une guerre de territoire qui se joue au Proche-Orient, Jean-Luc Mélenchon fait l’objet d’une diabolisation médiatique et politique incessante. Matin, midi, soir et même la nuit, de façon continue ! La machine infernale fonctionne à plein régime.

 

Qu’importe que Mélenchon affirme sa « compassion » pour toutes les victimes, les médias lui reprochent son « manque de compassion » ! Qu’importe que Mélenchon rappelle qu’il s’agit d’une guerre de territoire et prône la solution à deux États comme le prévoit le droit international, les médias lui reprochent ses prétendues « ambiguïtés » ! Mélenchon critique le gouvernement d’extrême-droite d’Israël, donc « Mélenchon est antisémite » ou « complice du Hamas » !

 

🔴 Mais pourquoi Jean-Luc Mélenchon tout spécialement ? C’est vrai après tout. Est-il le seul à dire ce qu’il dit ? Non, loin de là.

  • Dominique de Villepin, ancien ministre des Affaires Étrangères et Premier ministre de Jacques Chirac le dit.
  • Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis et en Israël et tellement d’autres experts et organisations le disent.
  • Amnesty International, l’AFP et tant d’autres refusent de résumer le Hamas au qualificatif de « terroriste » par souci de précision.

Minorent-ils les actes de terreur et les crimes de guerre du Hamas ? Assurément non. Ils parlent de « crimes de guerre ». Est-ce un caprice rhétorique de leur part ? Non. C’est une référence précise au droit et un refus de succomber à des injonctions purement politiciennes. Sont-ils tous antisémites ? Surement pas.

 

🔴 Dès lors, si Jean-Luc Mélenchon est loin d’être le seul à porter la même analyse et la même explication de cette guerre, pourquoi est-il, lui spécialement, visé par des accusations infamantes ?

  • La première raison de cela, c’est que contrairement aux autres, Jean-Luc Mélenchon a fait 22% à l’élection présidentielle et porte un programme de rupture.
  • L’autre raison, c’est la recomposition politique que tentent d’imposer en France la macronie, la droite et l’extrême-droite sur le dos de la guerre de territoire qui se joue au Proche-Orient.
  • Un « nouveau front républicain » (dont on voit mal ce qui lui reste de République) contre La France insoumise, comme le décrivait Jean-Pierre Raffarin. 

 

- Le grand remplacement d’un racisme par un autre 
La marche du 12 novembre appelée par Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher fut une honte. Elle aurait pu, et même elle aurait dû, être un grand moment de rassemblement républicain. Au lieu de quoi, elle fut une instrumentalisation dangereuse de la lutte contre l’antisémitisme pour appuyer « le soutien inconditionnel » à l’État d’Israël affaibli dans l’opinion publique de par le massacre qu’il perpétue envers les civils de Gaza en réponse aux actes barbares du Hamas le 7 octobre. À la banderole de tête, c’était la nuit des morts-vivants. On trouvait là tout le vieux monde politique que la vague dégagiste a déjà emporté. Mêmes ceux dont on avait oublié l’existence ! Certaines personnalités participant à la marche interrogées par les médias sur leurs motivations clarifiaient : ils étaient là pour « soutenir Israël ». Ils ne se sont pourtant pas trompés de marche ?

 

Même l’absence du Président de la République qui venait, pour la première fois après trente jours de massacre et 10 000 morts à Gaza, d’appeler au cessez-le feu, a été vivement critiquée. Le communiqué du CRIF contre le Président de la République était inacceptable. Sur une chaine de télévision française, pour avoir réclamé le cessez-le-feu, Emmanuel Macron a été à son tour accusé d’antisémitisme. Où étaient les macronistes pour défendre leur champion ? Nulle part. Comprendre : lutter contre l’antisémitisme et soutenir Israël, c’est la même chose. Critiquer l’action de l’État israélien, c’est être antisémite. La messe est dite[8] !

 

Pire, cette marche a servi de grande lessiveuse à l’extrême-droite antisémite héritière de Pétain[7] . Elle a maintenant droit de cité dans le prétendu « arc républicain » puisque sa cible principale a changé. L’ennemi de l’intérieur aujourd’hui, c’est d’abord le musulman. Dès les premières minutes de la marche, les discours islamophobes de Zemmour et Maréchal Le Pen se faisaient entendre. Nous étions donc appelés à marcher contre le racisme avec des racistes ! Sur place, les juifs de gauche qui protestaient contre la présence de l’extrême-droite se voyaient retirer leurs pancartes par la police. Juste à côté, on voyait des porteurs de pancartes où l’on pouvait lire : « face à l’antisémitisme, une seule solution : remigration ! ». Ceux-là n’ont bien sûr pas été inquiétés. La substitution d’un racisme par un autre, le soutien inconditionnel à l’État d’Israël, la finalisation de l’opération de banalisation de l’extrême-droite. Voilà les buts politiques de la marche appelée par la Présidente de l’Assemblée nationale et le Président du Sénat.

 

Il aurait suffi qu’ils appellent à marcher « contre l’antisémitisme et tous les racismes » et le problème était réglé. Mais ils ne l’ont pas fait. Le soir même, des responsables politiques de droite, comme Edouard Philippe, continuaient d’affirmer que la présence de l’extrême-droite ne posait pas de problème.


Evidemment, nombre de participants étaient présents à juste titre pour le mot d’ordre « contre l’antisémitisme » et n’avaient aucune idée de l’opération politicienne dans laquelle ils étaient embarqués contre leur volonté. A ceux-là il ne s’agit pas de faire le procès. L’augmentation du nombre d’actes antisémites mérite notre vigilance et notre pleine mobilisation. L’augmentation des actes antimusulmans, tout autant. Tous les racismes disloquent la République et rendent impossible l’union populaire. 

 

 

- La " gochélézékologiste " plus solennelle ! 
Que des citoyens aient participé à cette marche sans avoir conscience des sous-entendus politiques qu’elle accomplissait, c’est évident. En revanche, que des responsables politiques de gauche y aient participé fièrement sans comprendre ce qui était en train de se jouer, est hautement improbable.

 

Pourquoi donc Fabien Roussel, Marine Tondelier et Olivier Faure ont estimé qu’il fallait être présents à cette marche, dans ces conditions, quitte à se faire traiter de « fachos » par quelques excités comme ce fut le cas devant les caméras dès leurs premiers pas ?

 

🔴 D’abord, la trouille. C’est elle qui dicte l’essentiel de leurs choix politiques.

  • Qu’importe qu’une énorme manipulation politique soit en cours, si elle s’appelle « marche contre l’antisémitisme », Roussel, Faure et Tondelier pensent qu’il est impossible d’assumer de ne pas y être sous peine d’être taxés à tort d’antisémitisme !
  • À Lille, c’est cette gauche qui a organisé le même jour un rassemblement contre l’antisémitisme. Et comme c’était prévisible, il a été récupéré  et détourné par la macronie, la droite et plusieurs nuances des soutiens inconditionnels d’Israël, et la gauche s’est faite grassement huer au rassemblement qu’elle avait elle-même appelé !
  • Les gros nuls ! Ce sont les mêmes qui participaient à la marche des policiers devant l’Assemblée nationale parce que, vous comprenez, même si des factieux y criaient que « le problème de la police, c’est la justice »[9], il fallait bien soutenir inconditionnellement les policiers !

Si on compte bien, ils ont peut-être participé à plus de manifestations avec Eric Zemmour qu’avec Jean-Luc Mélenchon !

 

Ils sont de cette gauche qui considère à tort qu’en donnant des gages de respectabilité au système, le système les caressera dans le sens du poil le jour où ils prétendront aux responsabilités. C’est une erreur d’évaluation absolue. Le système ne vous caresse dans le sens du poil que tant que vous ne représentez aucun danger pour lui. Mieux encore, si vous critiquez celui qui incarne la rupture ET la capacité d’accéder au pouvoir, alors vous avez automatiquement les faveurs du système.

Le meilleur exemple de cela s’appelle Fabien Roussel.

Un Fabien Roussel, communiste, à 22% n’aurait jamais les faveurs du système ! Mais Fabien Roussel ne fera jamais 22%. Le système le sait. Fabien Roussel aussi. De plus, Fabien Roussel est parfait dans le rôle de l’anti-Mélenchon. Du coup, le système aime vraiment beaucoup Fabien Roussel. On le présente même comme « l’homme de gauche préféré de la droite ». Et l’intéressé sourit. Il est content. Il pense qu’il élargit sa base. Il pense que ces gens qui l’aiment pour ces raisons voteront peut-être un jour pour lui. Ce que, naturellement, ils ne feront jamais parce que, même compatible avec le système, Fabien Roussel est communiste ! Je prends Fabien Roussel parce qu’il est l’exemple le plus évident[10]. Ça n’a rien, ou si peu, de personnel. Je pourrais prendre d’autres exemples chez ses amis de la gauche d’avant anti-Mélenchon. On a même les nôtres à La France insoumise ! C’est dire !

 

🔴 Je lance une annonce : vous êtes de gauche, vous avez toujours rêvé de passer à la télévision ? Dîtes du mal de Jean-Luc Mélenchon ! 

 

 

- Rompre la NUPES doit se payer cher

Si Jean-Luc Mélenchon et quelques-uns de ses compagnons de route n’avaient pas rompu avec le Parti socialiste après le référendum de 2005 pour reconstruire patiemment une gauche radicale digne de ce nom, point d’appui populaire solide, la gauche aujourd’hui en France serait à l’état résiduel des scores rikiki de nos concurrents de 2022. 

  • En 2017, ils ont pris les 19% de Mélenchon comme un accident de parcours.
  • En 2022, ils ont continué à le taper sans relâche et, même avec les communistes en moins, la mobilisation populaire nous a porté à 400 000 voix seulement du second tour.

Sans rancune, nous avons vu et saisi l’occasion qui se présentait de nous hisser à la hauteur de l’Histoire.

 

Aux législatives, la gauche pouvait se rassembler autour d’un programme de rupture et ainsi prétendre bâtir une majorité alternative. La NUPES[11] est née de cette volonté. La vérité, c’est qu’elle n’était pas vraiment partagée. Seule La France insoumise inscrivait le moment dans la grande Histoire. Les autres voulaient, en gros, l’un sauver ses sièges, l’autre avoir un groupe.

 

🔴 Avec le recul, je pense qu’ils auraient été prêts à signer « l’Avenir en Commun » tout entier pour avoir leurs « circos ».

  • Ils ont tout de même signé un programme de 650 mesures[11bis] !
  • La NUPES, c’est la gauche rassemblée avec La France insoumise dans la locomotive.

C’est donc une ligne politique. Pas juste un assemblage. C’est avec ça que nous avons gagné tous ensemble le premier tour des élections législatives. Il a manqué moins de 30 000[12] voix à l’échelle du pays pour que la NUPES remporte une majorité absolue (NDLR : Ces 10 circonscriptions où la Nupes a perdu par moins de 150 voix d’écart[12bis]). On ne l’aurait jamais fait si la NUPES avait été emmenée par Jadot, Hidalgo ou Roussel. Sommes-nous d’accord ?


Alors ce ne peut pas être « on change de conducteur à chaque virage » maintenant. Les gens ne veulent pas que la ligne de l’ancienne gauche dirige la coalition. Est-ce clair ? Sinon, ils auraient voté pour eux à la présidentielle ! Après deux présidentielles, on pouvait avoir l’illusion de croire que c’était compris. Leur en faudra-t-il une troisième comme ça avec le risque que Le Pen l’emporte au carrefour ? Hé ho ! On arrête quand les conneries ? On arrête quand de sacrifier les intérêts populaires sur celui des petits partis ?


🔴 La NUPES a été un immense espoir. Immense. Des gens attendaient que leur vie change tout de suite si ce programme s’appliquait. Les 151 députés élus l’ont été sur un programme et, la plupart du temps, avec la tête de Jean-Luc Mélenchon et le logo de La France insoumise sur leurs professions de foi. Quand il s’agissait de se faire élire avec sa tête sur les tracts, « Jean-Luc » était le meilleur. Mais maintenant que les élections intermédiaires approchent, « Jean-Luc » serait le problème ! On a même entendu qu’il fallait « lui couper Twitter » ! Le truc, c’est qu’un tweet de « Jean-Luc » fait une audience de masse quand leurs petits tours sur les plateaux télé intéressent une dizaine de personnes. Jean-Luc les surpasse toujours tous dans les sondages et de très loin.


Et bon sang, ce n’est pas une guerre d’égos ni même une question de personnes ! Ce n’est pas juste qu’il est le meilleur. Je pense personnellement qu’il a mis la barre bien trop haute pour que quiconque parmi les actuels prétendants « fasse mieux », c’est clair ! Mais ça, ça se travaille. Non, ce n’est pas la personne de Jean-Luc Mélenchon mais la ligne politique qu’il incarne qui emporte le plus l’adhésion populaire.


🔴 On aurait pu choisir de faire sans eux en 2022 compte tenu du rapport de force de la présidentielle. Je ne regrette pas notre décision de faire la NUPES. Il fallait le faire. Parce que la NUPES est incontestablement le chemin le plus court pour l’emporter. C’est la raison pour laquelle ceux qui sont en train de la faire exploser sur des prétextes à la noix pour mieux servir leurs petits intérêts boutiquiers devront le payer cher. Ruiner un tel espoir, ruiner les efforts des jeunes de la NUPES, ruiner tout ce travail acharné, rompre les engagements pris devant les électeurs, être aussi irresponsables en dispersant nos forces alors que l’extrême-droite menace et que les sondages montrent qu’ensemble aux européennes de juin prochain nous pourrions la battre… OUI, ruiner tout cela doit se payer cher.


Qu’il ne soit plus permis à aucun de ceux-là de se plaindre de la montée de l’extrême-droite. On ne peut pas se plaindre de la montée de l’extrême-droite tout en détruisant la coalition la plus capable de la battre ! C’est trop grave. Si l’extrême droite gagne, ce n’est pas eux qui en subiront le plus les conséquences ! A l’inverse, celles et ceux qui, d’où qu’ils viennent, veulent continuer à bâtir l’union populaire et rester fidèles au programme et à l’élan de la NUPES doivent être encouragés et accueillis à bras grands ouverts. 

 

 

- Eteindre l’incendie avec un filet d’eau tiède ?
Il n’y a pas d’avenir à gauche sans rupture avec le capitalisme. C’est la leçon des deux dernières élections présidentielles. Même si Hollande, Cazeneuve et Delga ne le comprennent pas, l’heure de la social-démocratie est révolue. On n’éteint pas un incendie avec un petit filet d’eau tiède. Or, ça crame de partout ! Partout en Europe, l’extrême-droite progresse sur les cendres chaudes d’un néolibéralisme qu’elle épouse discrètement[13]. En France, ils l’ont tous utilisée en l’aidant jusqu’à sa qualification au second tour, persuadés qu’à la fin, les Français voteraient toujours contre l’extrême-droite. Mais entre deux élections remportées face à l’extrême-droite, ils ont continué à mener des politiques qui sèment le désastre social sur lequel la même extrême-droite prospère tout en imposant son folklore identitaire. Le discours qui consiste à dire que le problème c’est l’immigré est plus facile à déployer et avaler que le discours qui explique que le problème c’est le financier.

 

🔴 Pour la première fois, je crois très probable que dans un face-à-face avec l’extrême-droite, le prochain cheval de la droite macroniste, qu’il s’appelle Philippe, Darmanin, Le Maire, Attal ou Véran, se fasse plier bien méchamment. Et je récuse absolument l’idée selon laquelle une gauche « recentrée », plus molle, social-démocrate ait le moindre avenir. Les gens sont à bout, ils souffrent, ils sont en colère, ils ont peur et ils ont de quoi et l’extrême-droite est aux portes du pouvoir : ce n’est pas l’heure des François Hollande !

 

🔴 Je suis en désaccord total avec ceux de mes camarades qui pensent que La France Insoumise étant la force motrice à gauche, elle doit polir son discours pour gagner en respectabilité, s’occuper un peu moins des quartiers populaires et aller chercher la gauche plus modérée, ce qui signerait une plus grande capacité à gouverner.

  • Ce discours petit bourgeois est consternant !
  • La gauche ne gagnera plus jamais sans mobilisation massive des milieux populaires les plus abstentionnistes.
  • A part les 2% de Roussel, je ne vois pas sur quel électorat existant mordre pour atteindre l’objectif. Qu’ils nous disent lequel ?

Bien sûr, on ne doit jamais renoncer à faire changer d’avis. Seul un effet puissant de vote utile, qui suppose d’avoir suffisamment de force de départ, fera passer les hésitants et l’eau tiède du côté du camp de la rupture. C’est ainsi que le plafond des 19% de 2017 est monté de trois points en 2022. Entre temps, on ne peut pas dire que Jean-Luc Mélenchon avait été particulièrement ménagé !

 

🔴 Mon expérience de terrain me conforte dans l’idée que le salut de la gauche passe par un sursaut de participation et que ce sursaut ne peut s’atteindre que par un travail de terrain acharné qui nécessite bien plus d’huile de coude que la rédaction de belles dissertations de salon à propos du « bon ton » à adopter !

 

Moi aussi, j’ai mes sujets préférés. Je préfère parler d’économie et d’industrie. Mais quand l’extrême-droite violente  instrumentalise des faits divers, descend faire des ratonnades dans la rue[14] et que le discours qui s’impose est celui d’un ennemi de l’intérieur, je ne vais pas me planquer en attendant que l’on puisse reparler d’économie et d’industrie sous prétexte que ce serait électoralement plus vendeur que la lutte antiraciste ! Tout ça, c’est du petit marketing politique imbécile. Nous ne vendons pas des savonnettes ! Nous devons assumer une responsabilité historique à l’heure où la fracture du pays peut mener au pire. 

 

 

- Alors, on fait quoi ?
D’abord, vérifions que nous sommes tous d’accord pour dire que, compte tenu de l’urgence de la situation, on n’a plus le temps mais juste des délais. Est-ce entendu ? Si oui, je propose qu’on arrête d’être la gauche qui se coupe sans cesse les cheveux en quatre, qui tergiverse et qui blablate, qui pense tous les six mois qu’elle doit tout recommencer à zéro, tout réinventer et tout réécrire alors qu’elle a le meilleur programme, que rien ne va plus alors qu’elle fait déjà tout ça dix fois mieux que tous les autres, qui pense et dit qu’elle fait tout mal.

 

🔴 À la place, on se retrousse les manches et on occupe le terrain tous azimuts du matin jusqu’au soir... On parle un peu moins et on agit encore plus.

👉 Au porte à porte dans les quartiers populaires les plus abstentionnistes[15], plus de la moitié des gens à qui on pose la question veulent être recontactés par La France insoumise ! Encore faut-il leur poser la question !

  • On les écoute, on s’intéresse à eux, à leur vie, à l’état de leur logement ;
  • On leur fait connaitre nos propositions ;
  • On se rend utile comme on peut pour aider ;
  • On fait s’inscrire sur les listes électorales ;
  • On mène des actions collectives ;
  • On gagne la confiance ;
  • On redonne confiance ;
  • Quand ils sont intéressés, on les accueille dans nos groupes d’action ;
  • On s’insère dans la vie de nos quartiers, de nos villes, de nos villages ;
  • On crée du lien direct avec les gens ;
  • On mène des actions de solidarité concrètes ;

Tout ça prend énormément de temps. Dépensons-le !

 

🔴 Faisons en sorte d’être toujours plus nombreux.

  • On se dresse en rempart intraitables contre les logiques de guerre civile ;
  • On fait République de tout bois envers et contre tout ;
  • On tient bon sur les principes, même quand c’est difficile et que tous les autres s’aplatissent comme des crêpes ;
  • On construit l’union populaire avec toutes les bonnes volontés ;
  • On affronte les partisans de la division du peuple et on contourne ceux qui se mettent en travers de son chemin.

Et surtout, surtout… on n’oublie jamais pour qui et pour quoi on fait tout ça. D’abord pour ceux qui souffrent et pour que la vie soit plus belle.


L’insoumission est un état d’esprit. Cultivons-le sans relâche !

  • Ça poussera.
  • Et ça fleurira. 

 

Notes :

[0] Jean-Luc Mélenchon : ce n’est pas en partant des anciens partis et de leur coalition que l’on parviendra à construire une majorité populaire sur un projet alternatif pour notre société.

[1Dans nos quartiers : violence, délinquance, drogue... il faut s'attaquer aux causes avant de réprimer !

[2] Le RN : discours de gauche.... et politique de droite par les actes... c'est ça l'extrême droite !

[3] Bolloré, Arnault, Drahi, Niel… Vers la fin des 9 oligarques détenant 90% des médias ?

[4] Guerre Israël-Hamas : ONU Plus de 14 000 morts, dont au moins les deux tiers étaient des enfants et des femmes

[4bisPrès de 15 000 morts à Gaza, trêve imminente... l'essentiel de ce jeudi

[5Le ministre israélien de la Défense, Yoav Galant, a déclaré que les Palestiniens sont " des animaux humains " et constitue un appel à commettre des crimes de guerre"

[6Chronologie : Palestine de 1917 à 2017

[7] 12 Novembre 2023 : « Le jour où l’extrême droite a été réhabilitée par la droite »

[8] Alerte : non, antisionisme et antisémitisme ne sont pas synonymes !

[9Désarroi au PS, au PCF et chez EELV après la manifestation des policiers

[10] Quatennens analyse Roussel

[11] La Nupes

[11bis] le programme de la Nupes

[12Législatives : « Le Monde » : la Nupes rate la victoire entre 0,13 et 0,25 % du total des voix

[12bis] Ces 10 circonscriptions où la Nupes a perdu par moins de 150 voix d’écart

[13Le RN : discours de gauche.... et politique de droite par les actes... c'est ça l'extrême droite !

[14Le terrorisme d'extrême droite s'incruste en France au service de l'extrême droite politique (RN - ZEMMOUR)

[15] Cagé, Piketty : à la conquête du 4ème bloc ?

 

Pour en savoir plus :

Quatennens analyse Roussel

Alliance selon les uns, reddition selon les autres... la Nouvelle Union Populaire Ecologique et Sociale, la fameuse Nupes, rebat les cartes de la gauche française.

- L’appel de ces députés NUPES pour l’union populaire : « Il faut continuer le combat pour le programme de rupture signé par chacun en 2022 »

- « Regroupons-nous autour du programme » : après le vote de la loi Immigration, Bompard propose une réunion d’urgence de la NUPES

- Manuel Bompard : Cagé, Piketty : à la conquête du 4ème bloc ?

 

Partager cet article
Repost0
9 octobre 2023 1 09 /10 /octobre /2023 14:06
La gauche actualise sa stratégie à l’aune du livre de Cagé et Piketty

La France insoumise peaufine la stratégie du « 4e bloc »[3]

 

 

Les conclusions de l’essai de Julia Cagé et Thomas Piketty sur l’importance du critère de classe dans le vote et le retard du « bloc social-écologique » dans les classes populaires rurales alimentent les réflexions et les controverses d’une gauche en recherche d’une stratégie victorieuse.

 

 

Source : Médiapart extrait | mis à jour le 14/12/2023

- Le 20 septembre, Jean-Luc Mélenchon ne boudait pas son plaisir d’accueillir Julia Cagé et Thomas Piketty dans un amphithéâtre rempli au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), à Paris, pour une conférence de l’Institut La Boétie (ILB), qu’il copréside.

« Vous êtes ici, en quelque sorte, chez vous », a-t-il lancé aux coauteurs de l’essai de la rentrée, " Une histoire du conflit politique (Seuil) ", précisant que s’il n’y a pas de compagnonnage politique entre eux et La France insoumise (LFI), au moins y a-t-il une parenté de pensée : « Les Insoumis et les Insoumises pensent que l’analyse électorale est un enjeu idéologique. »

 

Dans leur somme de 851 pages, les deux économistes décortiquent les résultats de 12 élections présidentielles et 41 élections législatives, de 1789 à 2022, dans les 36 000 communes de France. Un travail qui ne pouvait donc qu’intéresser les Insoumis. Par la quantité de données analysées, révélant les failles et les marges de progression de chaque bloc politique, les deux économistes se sont de fait quasiment convertis en oracles de la gauche. Leurs conclusions – sur le caractère plus déterminant que jamais de la classe sociale dans le vote, la marge de progression du bloc social-écologique dans les classes populaires rurales et le potentiel retour d’une bipolarisation gauche/droite – ont de quoi rendre le camp mélenchoniste optimiste.

 

 

- Mais des nuances sur la stratégie électorale qui découle des enseignements du livre se dessinent.

L’insistance des auteurs sur les écarts de vote entre mondes rural et urbain et l’idée que « la gauche n’a pas de proposition très construite pour attirer les classes populaires rurales » confortent l’analyse formulée par François Ruffin après les élections législatives de 2022. Celui-ci avait identifié les campagnes populaires, la France des bourgs et des villages, comme le point faible de LFI, sur lequel le mouvement devait travailler en priorité – même s’il a déjà progressé en 2022 par rapport à 2017, en remportant des législatives dans la Creuse, l’Ille-et-Vilaine ou encore la Haute-Vienne. Lors d’un débat avec Clémentine Autain à la Fête de l’Humanité le 16 septembre, le député de la Somme a fait référence à cette source de légitimation scientifique, estimant que désormais, pour lui, le chemin était « clair ».

 

 

- La France insoumise peaufine la stratégie du « 4e bloc »
« Non seulement le livre de Julia Cagé et Thomas Piketty offre un élan d’optimisme sur une victoire de la gauche, mais il permet d’objectiver quelque chose qui se dessinait après les législatives de 2022, que François avait posé dans le débat public, à savoir les enjeux géographiques du travail qu’il nous reste à faire », abonde Clémentine Autain, interrogée par Mediapart. Pour la députée de Seine-Saint-Denis, « la question des services publics est une partie de la réponse pour atteindre l’objectif d’unifier les classes populaires rurales et urbaines : il galvanise notre propre public, et peut contribuer à l’élargir ».

 

🔴 Ce n’est pas tout à fait la lecture que fait Jean-Luc Mélenchon, pour qui la clef d’une prochaine victoire de la gauche réside dans la mobilisation du « 4e bloc », c’est-à-dire les 26 millions d’abstentionnistes du second tour des législatives de 2022. Il vise en particulier les jeunes de 18 à 24 ans, qui ont voté pour lui à 38 % au premier tour de la présidentielle, mais se sont abstenus à 66 %, et les quartiers populaires.

 

🔴 « Bien sûr, il faut aller chercher les milieux ruraux déclassés : qui va dire le contraire ? Mais le gros de la troupe qui va nous faire gagner, ce sont les quartiers populaires, où on vote pour nous à 80 % au premier tour mais où 30 % seulement vont voter. […] La priorité, c’est de les convaincre eux, et pour ça, il faut parler clair, cru, dru, et dur », a-t-il lancé à ses convives le 20 septembre. Il se distingue ainsi des observations faites par François Ruffin cet été, estimant que « poser la radicalité n’est plus utile ». Le livre de Cagé et Piketty a donc rapidement alimenté des controverses préexistantes, chacun ayant tendance à y voir une confirmation de sa propre thèse.

 

 

- Nous pouvons l’emporter en parvenant à mobiliser davantage les catégories populaires. Manuel Bompard, coordinateur national de La France insoumise

Interrogé par Mediapart, Manuel Bompard, coordinateur national de LFI, qui a dialogué avec Julia Cagé et Thomas Piketty, estime ainsi que leur travail légitime la stratégie insoumise de conquête des abstentionnistes. Les deux universitaires montrent que pendant une longue période, notamment les années 1960-1970, « les communes pauvres votaient plus que les communes riches », en particulier dans les banlieues populaires, du fait du travail de mobilisation du Parti communiste français (PCF). Il y aurait donc une réserve de voix à récupérer.

  • « L’analyse sur le temps long démontre que la plus faible participation électorale des classes populaires n’est pas une fatalité ; les classes populaires participaient autant, voire à certaines périodes davantage que les classes dominantes. Nous avons donc raison quand nous disons que nous pouvons l’emporter en parvenant à mobiliser davantage les catégories populaires », analyse Manuel Bompard.
  • « C’était une époque où les catégories populaires s’imaginaient conquérir l’appareil d’État. Aujourd’hui, elles ont tellement été trahies par ceux qui l’ont conquis en leur nom, qu’on se retrouve avec la situation présente », abonde le député insoumis Hadrien Clouet, élu dans la Haute-Garonne avec un taux de participation en nette hausse par rapport à 2017 (+ 7 points), ce qui en fait un cas à part.
  • À ses yeux, pour que LFI passe du stade de « pôle de résistance » à une force alternative majoritaire, il faut s’appuyer sur un travail militant acharné auprès des classes populaires. Il rapporte ainsi avoir fait « une campagne massive pour l’accès aux droits dans les banlieues populaires » : « Les gens m’ont tous vu trois fois sur le seuil de leur porte, pour leur dire des choses socialement utiles, alors que l’État se retire de partout. » Une pratique plus difficile dans les campagnes pavillonnaires, où « on subit la disparition des lieux de sociabilité », rapporte-t-il.

 

🔴 À la conférence de l’ILB, la sociologue Marion Carrel abondait dans ce sens, affirmant, d’une part, quil serait « dramatique » de « laisser tomber les abstentionnistes au motif que stratégiquement ils sont trop loin du vote » et, d’autre part, que « les conditions sociales et politiques d’une remobilisation existent ».

 

🔴 « L’expérience des discriminations, en particulier territoriales, raciales et religieuses, suscite une politisation ordinaire qui a du mal à être captée par les organisations politiques et associatives. Cette politisation ordinaire peut amener à un retour possible au vote, à condition d’un travail militant de longue haleine, qui s’appuie sur des leaders de quartier, et que les formats d’engagement soient participatifs, portés sur l’action », a-t-elle décrit.

 

 

- Unifier les classes populaires : un objectif partagé
Sur le plan programmatique, alors que la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), basée sur le programme de LFI[2], est traversée de tensions du fait de la volonté de ses partenaires de rééquilibrer l’alliance vers le centre pour « rassurer » un électorat de gauche modéré, le travail de Cagé et Piketty leur donne tort aux yeux des Insoumis :

 

🔴 « Les classes populaires participent davantage lorsque la gauche est organisée autour d’un pôle de rupture avec le capitalisme (PCF historique ; PS des années 1970 et du Programme commun), ce qui valide notre positionnement programmatique. Et j’ajoute que l’on voit s’esquisser une hausse de la participation populaire entre 2017 et 2022, à laquelle nous ne sommes sans doute pas étrangers », argumente Manuel Bompard.

 

Au-delà des rangs insoumis, le livre incite les partis à des convergences politiques : une audition de Cagé et Piketty est d’ailleurs prévue à l’Assemblée nationale le 4 octobre par des député·es de la Nupes. Pour Chloé Ridel, porte-parole du Parti socialiste (PS), l’un des apports du livre est d’affirmer « que le sentiment de désaffection des classes populaires n’est pas d’abord lié à une panique morale et identitaire mais à un sentiment de relégation économique et sociale en dehors des métropoles. Les solutions, c’est de ramener de l’emploi et des services publics dans les zones périurbaines ».


Cet enseignement permet de mettre à distance l’idée d’« insécurité culturelle » un temps popularisée par le Printemps républicain avec l’essayiste Christophe Guilluy, qui avait fait dériver le PS vers des thématiques identitaires – une pente que semble prendre aujourd’hui le PCF de Fabien Roussel lorsqu’il flatte un chauvinisme supposé de la France des villages.

 

Pour les écologistes aussi, le livre donne matière à penser. Le diagnostic à leur égard y est plus déprimant. Cagé et Piketty décrivent un profil de vote écologiste atypique à gauche, très urbain et où « plus les communes sont riches, plus elles votent pour l’écologie politique, sauf au sommet de la distribution des revenus ». Ils concluent : « Pour de nombreux électeurs issus des catégories populaires ou des territoires défavorisés, le vote écologiste est souvent associé à un discours certes respectable et même indispensable sur le plan des objectifs, mais qui en pratique tend à négliger la question des inégalités sociales et risque de se retourner contre les plus modestes, qui ne semblent pas toujours figurer parmi les priorités de ce courant politique, généralement considéré comme plus proche des classes urbaines relativement favorisées. »

 

🔴 Pour avoir la majorité aux législatives, il faut gagner dans plus de 289 circonscriptions, donc il faut aussi gagner dans des endroits où on est plus fragiles.

 

 

- Dialogues avec Cagé et Piketty : Géographie des votes de gauche et stratégie de conquête électorale

L’Institut La Boétie a pour vocation d’organiser, pour le camp de l’émancipation, le dialogue, l’interface entre monde politique et monde universitaire. C’est pourquoi il a organisé, le 20 septembre 2023, une soirée d’échanges autour de cet ouvrage " Une histoire du conflit politique : Elections et inégalités sociales en France, 1789-2022 " 

 

 

- Ce livre est " Une histoire du conflit politique : Elections et inégalités sociales en France, 1789-2022 "

  • Qui vote pour qui et pourquoi ?
  • Comment la structure sociale des élec­torats des différents courants politiques en France a-t-elle évolué de 1789 à 2022 ?

En s’appuyant sur un travail inédit de numérisation des données électorales et socio-économiques des 36 000 communes de France couvrant plus de deux siècles, cet ouvrage propose une his­toire du vote et des inégalités à partir du laboratoire français.

 

 

- Au-delà de son intérêt historique, ce livre apporte un regard neuf sur les crises du présent et leur possible dénouement.

La tripartition de la vie politique issue des élections de 2022, avec d’une part un bloc central regroupant un électorat socialement beaucoup plus favorisé que la moyenne – et réunissant d’après les sources ici rassemblées le vote le plus bourgeois de toute l’histoire de France –, et de l’autre des classes populaires urbaines et rurales divisées entre les deux autres blocs[1], ne peut être correctement analysée qu’en prenant le recul historique nécessaire. En particulier, ce n’est qu’en remontant à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, à une époque où l’on observait des formes similaires de tripartition avant que la bipolarisation ne l’emporte pendant la majeure partie du siècle dernier, que l’on peut comprendre les tensions à l’œuvre aujourd’hui. La tripartition a toujours été instable alors que c’est la bipartition qui a permis le progrès économique et social. Comparer de façon minutieuse les différentes configurations permet de mieux envisager plusieurs trajectoires d’évolutions possibles pour les décennies à venir.

 

Une entreprise d’une ambition unique qui ouvre des perspectives nouvelles pour sortir de la crise actuelle. Toutes les données collectées au niveau des quelques 36 000 com­munes de France sont disponibles en ligne en accès libre sur le site unehistoireduconflitpolitique.fr, qui comprend des centaines de cartes, graphiques et tableaux interactifs auxquels le lecteur pourra se reporter afin d’approfondir ses propres analyses et hypothèses.

 

-  Par :

  • Julia Cagé professeure à Sciences Po Paris et lauréate du Prix du meilleur jeune économiste (2023)
  • Thomas Piketty directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales et professeur à l’École d’économie de Paris.

Éditions : Les Editions SEUIL

Date de parution : 8 septembre 2023

Pages : 864

Disponibilité : ICI

Format : 15,6 cm x 21,9 cm

Prix papier TTC : 27 €

 

Notes :

[1Les 3 blocs et l’avenir de l’Union populaire par Jean-Luc Mélenchon

[2] Programme partagé de gouvernement de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale

[3] Manuel Bompard ; Cagé, Piketty : à la conquête du 4ème bloc ?

 

Pour en savoir plus :

- LES OBSTACLES À « LA RECONQUÊTE DU VOTE POPULAIRE RURAL » : DISCUSSION SUR L’OUVRAGE DE CAGÉ ET PIKETTY

- L’appel de ces députés NUPES pour l’union populaire : « Il faut continuer le combat pour le programme de rupture signé par chacun en 2022 »

 

Partager cet article
Repost0

Rédacteur

  • Pour une Révolution citoyenne par les urnes
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT  de 1978 à 2022.
  • Retraité SNCF, engagé politiquement depuis l'âge de 15 ans, militant du PCF de 1971 à 2008, adhérent au Parti de Gauche et à la France Insoumise depuis leur création, ex secrétaire de syndicat, d'Union locale et conseiller Prud'homme CGT de 1978 à 2022.

La France insoumise

-Pour une MAJORITÉ POPULAIRE, renforcer la France insoumise pour GAGNER !

🔴  La France insoumise et ses 75 députés sont au service des Françaises et des Français face à l'inflation et l'accaparement des richesses par l'oligarchie.

✅ La dissolution, nous y sommes prêts ! 
Avec la #Nupes, la France Insoumise propose l’alternative 


📌 Pourquoi La France insoumise, ses origines ? La France insoumise : comment ? La France insoumise : pour quoi faire ?

Autant de questions dont vous trouverez les réponses... ✍️ en cliquant ci-dessous 👇

 

Qu’est-ce que La France insoumise ? - Nouvelle brochure

 

-N'attendez pas la consigne !

✅ Pour rejoindre la France insoumise et AGIR ENSEMBLE pour GAGNER : cliquez ci-dessous 👇

 

La France insoumise

 

- La chaîne télé de Jean Luc Melenchon : cliquez ci-dessous 👇

 

- Le blog de Jean Luc Melenchon : cliquez ci-dessous 👇

Jean-Luc Mélenchon le blog

 

Recherche

La France insoumise à l'Assemblée Nationale

 Pour accéder au site : cliquez ci-dessous 👇

Sur les réseaux sociaux  :

Facebook  - Twitter

Le JOURNAL L'INSOUMISSION

✍️ cliquez ci-dessous 👇

L'Insoumission

 

✅ S'inscrire à la Newsletter 👇

 

 

Le site du Parti de Gauche

 Pour accéder au site : cliquez ci-dessous 👇

 

Manifeste pour l'Ecosocialisme

 Pour accéder au site : cliquez ci-dessous 👇

 

Mouvement pour la 6e République

 Pour accéder au site : cliquez ci-dessous 👇

 

Des outils pour combattre le FN et l'idéologie d'extrême droite française

🔴  Observatoire de l’extrême droite de l'Insoumission

 Pour accéder au site (cliquez ci-dessous) 👇

Observatoire de l’extrême droite l'insoumission

 

 Pour accéder au site (cliquez ci-dessous) 👇


🔴  et aussi : Observatoire national pour « mettre sous surveillance » l’extrême droite

 Pour accéder au site (cliquez ci-dessous) 👇